Archeologie du silence |
PAYSAGES ENSEVELIS 

L’Albatros, entre AIR et EAU, immense et majestueux oiseau, sentinelle des hautes mers, capable de parcourir des milliers de kilomètres sans mettre pied à terre, a inspiré aux artistes une représentation en papier, à taille réelle. Une invitation à mieux connaître et protéger cette espèce extraordinaire.

D’APRES la rencontre entre les artistes Mouawad&Laurier et le chercheur Julien Collet, porteur d’une Chaire de Professeur Junior au CEBC (La Rochelle Université, CNRS).

Contenu scientifique

La mise en récit comme outil pour mobiliser les citoyens autour de La Rochelle Territoire Zéro Carbone. 

La Rochelle Territoire Zéro Carbone est un projet porté par plusieurs acteurs de l’agglomération de La Rochelle qui vise la neutralité carbone sur ce territoire en 2040. Une équipe de recherche en sciences de la gestion du laboratoire EOLE a été sollicitée afin de réfléchir au moyen de mobiliser les citoyens autour de cet objectif à travers la mise en récit. 

 

Le projet LRTZC 

La Rochelle Territoire Zéro Carbone (LRTZC) est un projet porté par cinq institutions fondatrices que sont la Ville de La Rochelle, la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, La Rochelle Université, le Port Atlantique La Rochelle et l’Association Atlantech. L’objectif de ce consortium, lauréat en 2019 de l’appel à projet de l’Etat français baptisé « Territoires d’Innovation », est de faire de l’agglomération de La Rochelle le premier territoire français neutre en carbone en 2040. 

La neutralité carbone est définie comme un équilibre entre les émissions et la capacité d’absorption des gaz à effet de serre par les puits de carbone sur un territoire. Cela signifie d’une part que les différents acteurs diminuent leurs émissions de dioxyde de carbone, et de l’autre que les environnements qui permettent de capter et de séquestrer les émissions soient préservés, voire développés. 

Les actions se déploient sur plusieurs fronts : préservation du littoral et des marais pour accroitre leur capacité à séquestrer le carbone ; projets d’envergure portés par les institutions fondatrices, à l’image du quartier bas carbone envisagé par l’association Atlantech ; développement des énergies renouvelables et des mobilités douces pour réduire les émissions ; etc. Le projet LRTZC se distingue également par sa volonté de mobiliser les citoyens de l’agglomération autour de ces objectifs. Dans cette perspective, l’Université joue un rôle important avec notamment la Chaire Participations Médiation Transition citoyenne ou encore des membres de l’équipe du laboratoire EOLE qui travaille sur la mise en récit. 

 

Les sciences de la gestion et la mise en récit 

Les sciences de la gestion s’intéressent à la conduite et à l’organisation des collectifs humains tels que les entreprises, les associations ou encore les administrations en vue d’atteindre leurs objectifs. Dans cette perspective, l’art, et plus particulièrement la mise en récit, est apparue comme un outil pour atteindre certains buts.Un exemple emblématique est celui d’EDF. 

À la fin des années 1970, l’arrivée d’une nouvelle technologie, la télématique, pose de nombreuses questions sur l’organisation de certains services. Contraintes par des enjeux politiques, communicationnels et des divisions internes, l’entreprise ne parvient pas à construire une stratégie sur ce sujet. Un groupe de chercheurs propose alors de contourner le blocage par la mise en récit d’une entreprise fictive, dans un pays fictif, qui intègre la télématique dans sa stratégie. Ce travail a donné lieu à la publication d’un ouvrage, Les chroniques muxiennes, et a permis à l’entreprise de se saisir de la question de la télématique et de l’intégrer dans sa stratégie d’entreprise. 

 

LRTZC et la mise en récit 

L’équipe de recherche du laboratoire EOLE part d’un constat : la diffusion d’informations scientifiques, en l’occurrence sur l’urgence climatique, ne provoque que peu d’effets sur le comportement des citoyens. Ainsi, l’objectif de rendre l’agglomération de La Rochelle neutre en carbone pour 2040 doit s’accompagner d’autre chose pour rendre ce futur désirable et partagé par la population. 

La proposition des scientifiques est de créer des récits mettant en scène des habitants de l’agglomération en 2040 sur ce territoire neutre en carbone. Les premiers récits, écrits par les chercheurs, racontent par exemple la vie d’un agriculteur, d’une conchylicultrice ou encore d’une jeune écolière. Les textes racontent leur quotidien et leurs activités : la manière d’élever des bovins et de produire de l’énergie pour l’agriculteur, la coopération pour assurer la qualité des eaux pour la conchylicultrice et une journée de cours au marais de Tasdon à observer la nature pour la jeune écolière. 

La démarche étant participative, les habitants de l’agglomération sont également invités à prendre part à la mise en récit. C’est notamment le cas lors d’ateliers avec des lycéen•ne•s. Certaines informations leur sont communiquées et iels doivent imaginer des histoires qui se passent en 2040. 

Approche artistique

Emmanuel Faivre s’est inspiré de témoignages fictionnels de l’année 2040, pour proposer des paysages sonores immergeant l’auditeur dans un monde entre présent et futur. Ces témoignages fictionnels sont issus de la collaboration entre le laboratoire EOLE de La Rochelle Université, La Communauté d’Agglomération de La Rochelle, la Ville de La Rochelle, l’EIGSI, J’adopte un projet, Les Petits Débrouillards et l’association Atlantech. Ce partenariat a permis de concevoir 14 témoignages de personnages fictifs, vivant et travaillant dans les communes de l’agglomération rochelaise en 2040. En faisant appel à l’imaginaire de chacun, ces récits amènent à se projeter, à se questionner sur nos modes de vie et à cheminer vers un ou des changements dans notre vie quotidienne. Les récits de Jacinthe, Jacob, Janis, Jean-Baptiste et leurs camarades sont consultables via ce lien

Avec la rencontre d’Eve Lamendour et de Louise Bernard et l’écoute des récits fictifs, Emmanuel Faivre a eu envie de travailler sur des paysages sonores qui nous projettent en 2040, dans un territoire neutre en carbone. Il a donc proposé un premier paysage de 34 minutes intitulé Archéologie du silence audible en continu depuis l’enceinte du module. Ce paysage rassemble des sons qu’il avait enregistrés au début du premier confinement sur le territoire de l’agglomération de La Rochelle. Un monde où les sons des transports, des moteurs thermiques, de l’agitation de la foule n’existaient plus… 

Pour contraster et dialoguer avec ces paysages « neutres en carbone », Emmanuel donne à entendre dans les casques un second paysage sonore (Paysages ensevelis d’une durée de 11 minutes) regroupant des sons de modes de vie « carbonés ». 

 

“Avec la rencontre des chercheuses Eve Lamendour et Louise Bernard, j’ai exprimé mon envie de travailler à partir de paysages sonores que j’ai eu l’occasion d’enregistrer au début du premier confinement. J’ai réalisé ces enregistrements sur le territoire de l’agglomération de La Rochelle. Un monde apaisé, où les sons des transports, des moteurs thermiques, de l’agitation de la foule n’existaient plus… Ces paysages nous racontent un autre monde. Un monde de silence, un autre mode de vie : regarder et écouter le temps qui s’écoule.”